Un article détaillé de
Paris Match, publié en novembre 2015, ayant trait au retour de Detroit sur le devant de
la scène économique. Jadis, ancienne capitale mondiale de l’automobile, des quartiers de la ville se réinventent et se restructurent.
Après avoir été
l’emblème du rêve américain, cet ancien fief de l’industrie automobile était
devenu une cité fantôme. Plus grande ville américaine à demander sa mise en
faillite, Detroit entame un nouveau départ grâce à quelques investisseurs
opportunistes. Si la majeure partie de la population continue de souffrir,
l’espoir, la fierté, la solidarité et l’inventivité reviennent et gagnent du
terrain.
Une mélodie pop résonne
à l’angle d’un bâtiment flambant neuf dans une rue aux trottoirs étincelants.
Non loin, des parasols bleu azur ornent une fontaine jaillissante. Bienvenue au
cœur de Detroit où se dressent, le long du fleuve, les mythiques gratte-ciel
de General Motors. Detroit, la plus grande ville américaine à être déclarée
insolvable. C’était il y a bientôt deux ans. Un décor qui relève du miracle
pour l’ancien bastion de l’automobile. « Il y a encore trois ans,
c’est bien simple, Downtown était
vide ! On rasait les murs ! » se souviennent les
habitants. Aujourd’hui, c’est une vitrine. Tout juste sortie de la procédure de
faillite municipale, le 10 décembre 2014, « Motor City » n’a pourtant pas les moyens de se métamorphoser
si vite. Délestée d’une partie de sa faramineuse dette, ramenée de 18,5 à 11 milliards
de dollars, la ville demeure sous surveillance budgétaire. Elle s’est même
réendettée de 1,3 milliard de dollars sur le marché obligataire pour rembourser certains créanciers
et autres assureurs privilégiés. Quant au 1,7 milliard de dollars que les juges
lui ont sommé d’injecter de toute
urgence dans les services publics, le budget s’étale sur les dix années à
venir. Malgré l’aide de l’Etat du Michigan et de diverses organisations, ses
leviers sont donc limités.
Son salut, Detroit le
doit en réalité au soutien des investisseurs privés et surtout à un homme, Dan
Gilbert. A première vue, ce quinquagénaire raide et introverti n’a pas
l’envergure de l’homme providentiel. Il est pourtant la 126e fortune des
Etats-Unis et celui qui porte à bout de bras le cœur du nouveau Detroit. Une
efficacité redoutable. Flegme et puissance contenue, Gilbert avance pas à pas,
imperturbable, toujours avec un coup d’avance. Originaire de la ville, ce fils
de patron de bar a bâti sa fortune dès 1985 en fondant Quicken Loans, l’un des
leaders américains des prêts hypothécaires. Lorsqu’il assiste à l’effondrement
des prix de l’immobilier, précipité par l’exode massif des entreprises après la
crise financière, Gilbert ne se pose pas de questions. Il anticipe la mise sous
tutelle de Detroit et s’empresse d’acquérir pas moins de 75 immeubles
professionnels vacants dans un centre-ville alors à l’agonie. Son projet : les rénover et les louer à des sociétés, allant des banques d’affaires
aux start-up spécialisées dans les nouvelles technologies, dont il finance de
nombreux projets ; 130 entreprises au
total sont revenues dans le secteur, reconstituant une base d’impôts solide et
vivifiant le marché de l’emploi.
Le magnat de
l’immobilier s’est aussi emparé du Greektown Casino Hotel, l’une des trois
aires de jeux de Detroit qui concentrent 16 % des recettes de la
ville. A lui seul, Gilbert a investi 1,7 milliard de dollars depuis 2010, soit
près d’un quart des capitaux privés insufflés dans Downtown. Installé dans une villa cossue à 30
kilomètres au nord de Detroit, ce père de cinq enfants, féru de sport, rêve de
redonner à la cité sa splendeur d’antan. Celle des années 1960, de sa jeunesse,
lorsqu’il se rendait au stade de base-ball avec son père. Une époque où la
ville régnait sur l’industrie automobile et vibrait au rythme de la musique
soul. Mais cette nostalgie dissimule l’obsession d’un homme d’affaires
déterminé à implanter son empire, témoin le rapatriement de ses dizaines de
sociétés et de 12 000 employés. Il voit même
plus loin, en se voulant le relais des pouvoirs publics :
il a en effet financé en 2013
quantité de voitures de police flambant neuves.
(…)
Ce « plan Gilbert » a inspiré d’autres businessmen, comme Roger
Penske, soutien de poids dans les transports. Le milliardaire, qui a fait
fortune dans les courses automobiles, est également
le généreux donateur de véhicules officiels et sécuritaires ultramodernes. A
l’image de Gilbert, il a aussi financé à hauteur de 6 millions de dollars le
projet du futur tramway M-1 Rail, prévu pour le début 2017 : 17 millions de dollars à eux deux sur 140. L’impressionnant
chantier s’étend sur 5 kilomètres le long de Woodward Avenue, l’artère principale
de la ville, reliant les faubourgs au centre. « Nous allons enfin avoir
un transport public digne de ce nom après des décennies d’attente », se réjouissent les usagers du bus, qui déplorent la lenteur du réseau.
Il n’est pas rare en effet de devoir attendre une heure et demie entre deux bus !
Un autre richissime
businessman vient nourrir les projets de Detroit : Fernando Palazuelo.
Ruiné par la crise immobilière en
Espagne, ce « conquistador », désormais installé au Pérou, a préféré attendre l’annonce
de la faillite avant d’investir. Lui, ce n’est pas le cœur urbain qu’il
convoite, mais les vestiges industriels de Detroit. En rachetant les ruines de
la légendaire usine automobile Packard pour seulement 405 000 dollars, cet homme distingué de 60 ans, ancien soldat de la
Légion espagnole, est sur le point de transformer cet espace de 325 000 mètres carrés et ses 17 bâtiments en zones résidentielles et
commerciales.
(…)
les habitants demeurent
étonnamment soudés, inventifs. Un supplément d’âme puisé dans une fierté et un
amour inconditionnels de leur ville natale.
(…)
Extrait de l’article publié le 01.11.2015 dans Paris Match
Journaliste :
Arthur FouchèreRejoignez-nous sur www.lecanart.com
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